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"Ici le monde" - Au Mexique : quand les hommes violents reconnaissent leurs actes

rtbf.be 2024/10/5

Ici le monde épisode 43 dernier saison

En Europe, ces groupes existent. Depuis longtemps. Au Mexique, c’est une révolution, une première, un changement énorme. Dans une société encore très machiste et où la violence à l’égard des femmes est importante, les choses évoluent, lentement mais sûrement.

Le projet a été lancé il y a peu de temps, par une association baptisée Gendes. Elle travaille à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes. Plusieurs fois par semaine, des groupes de parole sont organisés. Des hommes viennent, discutent et analysent leur propre machisme, leur propre violence envers les femmes. Bien sûr, ils sont encore souvent obligés de participer. Ils ne viennent pas volontairement mais parce qu’ils sont envoyés par la justice leur employeur, leur entreprise ou bien par une institution éducative après avoir commis des actes de violence. "Il s’agit surtout de violence psychologique, des actes qui n’ont pas été jugés suffisamment grave pour mériter une sanction pénale. Mais leurs actes justifient néanmoins une peine alternative" explique Emmanuelle Steels, correspondante RTBF au Mexique. "Cela dit, certains hommes viennent de leur plein gré, environ 10% des participants. Parce qu’ils y voient une opportunité d’échanger avec d’autres hommes sur la façon de développer une nouvelle masculinité, moins virile et moins agressive."

Comme pour n’importe quel groupe de parole, les participants sont assis en cercle, pour les aider des facilitateurs. Chaque homme, à tour de rôle, se présente. Nom, prénom, âge, nombre de séances auxquelles il a déjà assisté. Il expose ensuite, en quelques mots, la situation sur laquelle il voudrait travailler. Le participant doit qualifier ce fait de violence sur une grille pré établie, violence psychologique, physique etc.

Le but est de disséquer la violence, comment en vient-on à basculer dans celle-ci. Le participant doit également prononcer une petite phrase rituelle : "Je suis là pour aider et pour être aidé." L’assistance lui répond : "Nous sommes là pour t’aider." Des règles précises entourent ces groupes, il faut demander la parole, il est interdit de juger les autres, d’approuver les comportements violents exposés par les participants. "Ce que recherchent les participants c’est de reconnaître leur propre violence" explique Emmanuelle Steels" d’éviter de la nier parce que même si le pays est un pays fondamentalement machiste, il n’est pas facile de trouver un homme qui se reconnaisse comme tel et les hommes qui questionnent leur propre violence font vraiment figure d’exception."

Gendes propose de travailler avec les hommes mais aussi de faire de la prévention dans les écoles pour enter de déraciner l’agressivité envers les femmes dès le plus jeune âge.

Comme dans d’autres pays, il existe au Mexique un secrétariat à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Son objectif est de promouvoir et garantir l’intégration de la perspective de genre dans les politiques publiques de l’État, afin que les femmes et les filles puissent vivre dans la dignité, librement, en sécurité et dans une égalité substantielle. Le bureau offre des services de soins, des conseils juridiques et psychologiques censés permettre d’identifier et d’échapper à toute forme et expression de violence de genre.

900 à 1000 féminicides par an

Les chiffres sont là. Le Mexique reste un pays violent envers les femmes. Il y a 10 femmes en moyenne qui sont tuées de façon violente chaque jour. 10 femmes victimes d’homicide volontaire. "Alors certes" nuance Emmanuelle Steels "ces crimes s’expliquent par la violence globale, endémique dans laquelle est plongé le Mexique depuis plusieurs années." Une violence aussi liée aux cartels de la drogue. "Pour vous donner une idée, le Mexique passe chaque année le seuil de 30.000 meurtres par an. Mais c’est un piège que de diluer la violence envers les femmes, envers le genre, dans des criminalités plus globales. Parmi ces crimes, il y a entre 900 et 1000 meurtres par an qui sont considérés comme des féminicides. Et le plus grave c’est que la grande majorité de ses crimes restent impunis." Problème d’impunité, problème de prévention. Les spécialistes s’accordent à dire que les autorités ne savent pas gérer les causes structurelles de la violence.

Rear view of traveler friends playing doing flexing muscles © Getty Images – FG Trade Latin

Un effet Sheinbaum ?

À 65 ans, CLaudia Sheinbaum, ancienne maire de Mexico, climatologue et spécialiste de l’efficacité énergétique, se définissant progressiste et féministe, est devenue présidente du pays. La candidate de la gauche, portée par la popularité du chef de l’Etat sortant, Andres Manuel Lopez Obrador, a remporté le scrutin le 2 juin dernier. Sur ses épaules, lutter contre la violence des narcos et la violence contre les femmes entre autres. "Quand elle était maire de Mexico" explique Emmanuelle Steels, "elle s’est illustrée par certaines politiques d’avant-garde justement pour lutter contre les violences faites aux femmes. Au niveau de la justice, elle a créée un parquet spécial dédié à cette violence, elle a mis en place une règle qui fait que dès qu’il y a une violence domestique qui est signalée l’agresseur présumé doit immédiatement quitter le domicile." Autre mesure saluée à l’époque, toutes les manifestations de féministes sont encadrées par des policières. Des milliers de femmes policières ont ainsi été recrutées à Mexico. Et cela pour ne pas avoir une image des forces de l’ordre qui répriment les féministes.

Depuis plusieurs années, le pays travaille à améliorer l’égalité homme femme et la nouvelle présidente devrait poursuivre sur cette lancée. Le Mexique connaît par exemple un phénomène d’ouverture à l’opposé de ce qui se passe aux Etats-Unis. La Cour suprême a autorisé la dépénalisation totale de l’avortement et les institutions étatiques doivent prendre en charge les femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse. Sur le plan politique aussi les femmes ont conquis des espaces de pouvoir. En 2021, pour la première fois, la proportion de femmes élues au Congrès a dépassé les 50% et depuis 2019, il y a une loi qui impose la parité totale à tous les niveaux de pouvoirs du municipal jusqu’au fédéral.

Mais comme aiment à le répéter les organisations féministes le soulignent, ce n’est pas parce qu’il y a une femme au pouvoir que les droits des femmes ne seront plus bafoués dans le pays.

Meet The &#34 ; Charros&#34 ; Mexico&#39 ; S Over Manly Cowboys/Bullfighters In Mexico In April, 2000. © Getty Images

"Ici le monde" reviendra également sur les violences à la frontière avec Israël. Elles s’intensifient ces derniers jours. Le Canada et l’Allemagne ont d’ailleurs appelé leurs ressortissants à quitter le pays au plus vite. Le Hezbollah libanais, pro iranien, a ouvert un front avec Israël en soutien au Hamas.

Il sera aussi question du retour des touristes en Chine. Depuis la fin du Covid, les voyageurs étrangers sont de retour. Mais le pays a changé. Il fonctionne désormais intégralement au numérique, même pour aller aux toilettes il faut scanner un QR code ! Les applications chinoises sont parfois compliquées.

► Retrouvez Ici le monde, tous les dimanches après le journal de 8h sur La Première et sur Auvio.

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